Friday, March 07, 2008

The new world order


AMERICAN MUSIC CLUB
The Golden Age (Merge/
Cooking Vynil)

Bon, c’est pas tous les jours qu’un de nos deux groupes preferés sort un nouveau disque. Et contrairement à l’autre (Prefab Sprout), American Music Club ne requiert aucune indulgence au niveau de la production, de l’enveloppe sonore (chose qui semble avoir échappé à Paddy McAloon –le Sprout en question– dans les années ’90, mais on lui pardonne). Quelques jours avant la street date de The Golden Age, j’ai été jusqu’à rêver que j’écoutais le disque en me promenant sans but dans mon char, imaginant (d’une manière assez réaliste quoique pas mal fuckée, si je me souviens bien) l’album pièce par pièce. C’est dire à quel point mes attentes étaient hautes. Juste pour vous situer, le frontman d’AMC est Mark Eitzel, que j’ai plus d’une fois mentionné dans mes livres, notamment dans Quelques pelures, avec la citation qui ouvre le livre : “A Stubborn Heart Can Say Broken Forever”, qui définit bien l’état d’esprit dans lequel j’ai commence à faire de la bande dessinée il y a 10 ans. Je n’appellerais pas Eitzel mon idole, parce que l’idolâtrie c’est du délire, mais c’est certainement un des artistes desquels je me sens le plus proche (ex-aequo avec McAloon, le “Fred Astaire of words”) (je ne dis pas que j’ai une infime partie de leur génie/talent, on s’entend).

L’album précédent d’AMC, Love Songs for Patriots (2004), était drivé par une rage politique explosive. Et fort justifiée par l’odieuserie de l’administration Bush. Ça a donné des chansons monumentales et saisissantes comme Patriot’s Heart. Sur The Golden Age, il plane un climat plus serein, mais c’est une sérénité amère, résolue, qui cache à peine son mordant. La pochette annonce le ton, qui pourrait être le reflet du “new world order” 2008. On y voit, ce qui est inhabituel pour AMC, un membre du groupe (!), mais c’est quand même très drôle parce qu’il s’agit du nouveau bassiste (qui est photogénique, quand même). Une photo de style classique, pompier, ciel ténébreux, océan sans rivage, épave oubliée, à la dérive (une constante dans les pochettes d’AMC, mais c'est la première fois qu’ils mettent le band dans l’épave), on pense au Radeau de la méduse, à Turner, Freidrich.... Un peu come Zviane, Eitzel semble être parvenu à la conclusion que le monde est foutu, les gens sont trop cons, incapables de compassion, ils décrissent tout, ils votent, élection après élection, pour des voyous et/ou des idiots qui ont l'air winners, et que tout ce qu’on peut encore faire, tout ce qui est à notre portée, c’est d’essayer de créer encore un peu de beauté avant que tout ne disparaisse complètement et définitivement. Et mettre de la splendeur dans l’équation, AMC y arrive avec grâce et panache. Le nouvel optimisme : “The End of The World Is Gonna Be Beautiful” (The Windows on The World), "Try To Keep The Good Times Rolling Because They're Almost Gone" (All The Lost Souls Welcome You To San Francisco). État d’esprit certes sombre, mais sexy, apaisant et réconfortant. Après la décennie de panique totale que nous venons de connaître, rien n’est plus sexy que la fin du monde.

Après le règne de Beck et cie. La déconstruction pop n'a plus grand chose de drôle, et franchement, les grimaces tremblotantes des Strokes et les hurlements précieux de Radiohead et d'Arcade Fire m'ont assez cassé les oreilles. En comparaison, l'approche sobre, classique, écrite et retenue d'AMC est carrément futuriste.

La comparaison de Love Songs for Patriots et de The Golden Age démontre mieux que n’importe quel essai que la rébellion tonitruante est redevenue quelque chose d’ingénu, un produit du fol espoir et de la candeur.

J