Friday, March 14, 2008

2007, que nous as-tu donné ?

En bûchant trois heures pour extirper mon char du banc de neige et de le désencatsrer de dedans la glace, je me suis fait une tendinite au poignet droit ! J'en ai eu une au poignet gauche, l'an passé, qui m'a fait chier d'avril à octobre. Bon, celle-ci semble moins pire, elle va peut-être passer plus vite. Pas de panique, pas de panique. Mais en attendant, dessiner m'est douloureux. Malheur de misère. Aussi, je suis coincé hors de mon atelier parce que j'attends des livreurs de meubles qui peuvent passer d'une minute a l'autre d'ici la fin de la journée. C'est le moment idéal pour rattraper mon retard sur des dossiers qui traînent depuis longtemps, et pourquoi ne pas commencer par le plus navramment inutile de ceux-ci ? J'ai nommé : mon palmarès 2007 !

pop :


  1. OF MONTREAL, hissing fauna, are you the destroyer? // Je vois trois section bien distinctes sur ce disque, et malgré qu'on y retrouve tous les "hits", la première est la moins jouissive. C'est le milieu du disque (pièces 5 a 8) qui en fait un classique, une section plus groovy, dans laquelle l'humour acide et cinglé, marque de commerce du groupe, explose en rencontrant la détresse et l'amertume d'un carnage post-rupture. Ça parle de choses vraiment graves, mais ça donne quand même envie de faire des corégraphies idiotes avec sur la tête un casse de bain rose enjolivé de fleurs en caoutchouc.
  2. THE GO! TEAM - proof of youth // On ne peut s'empêcher de voir ce disque à l'ombre de son prédécesseur Thunder, Lightning, Strike, et c'est bien dommage, parce que ce successeur est tout sauf indigne. Seulement, lors de ma première rencontre avec la musique du Go! Team, j'étais si médusé, dépassé, j'essayais tellement fort de comprendre, techniquement, comment ils faisaient cette musique de rêve (ou commencent les échantillonnages, ou finissent les instruments joués et les voix ? Comment quelque chose qui sonne aussi croche peut-il être aussi imposant, ample et puissant ?), mais entre ces deux premiers disques, on les a vus live (au moins sur YouTube), et on a un peu compris le système, et Proof of Youth n'offre pas matière a un choc esthétique aussi radical que celui provoqué par Thunder..., donc c'est difficile de ne pas être déçu, mais c'est con, parce que la routine de The Go! Team vaut quand même mieux que les plus beaux efforts du reste des groupes trendys de l'heure.
  3. CHROMATICS - nite drive // Je dois remercier David Turgeon pour cette trouvaille. Un disco atmosphérique, alangui, a moitié fondu, dans lequel on croise une moustache de Giorgio Moroder, une cravate de Kraftwerk, un crâne chauve de Richie Hawtin. La voix, détachée, comme hypnotisée rappelle avec bonheur celle de Sarah Peacock (Seefeel, Scala). Un disque élégant, décadent, et comme tout ce qui est sexy à ce point : existentiel.
  4. THE HIGH LLAMAS - can cladders // Les High Llamas ne sont pas les rois de la surprise. Ils ont trouvé dès le départ (enfin, dès qu'ils ont adopté ce nom) leur formule de pop raffiné et intelligent et ils font leur petit bonhomme de chemin dans ce terrain de jeu bien délimité. Quand on achète leurs disques, on sait a quoi s'attendre, mais c'est néanmoins fort satisfaisant à chaque fois. On ne leur demande donc pas de nous étonner, mais avec Can Cladders, ils y arrivent en ajoutant quelques cordes à leur arc, ce qui donne, encore plus que leurs autres, un disque fin, riche et inépuisable.
  5. THE MOST SERENE REPUBLIC - population // Le sens de la bifurcation, cher a cet adorable groupe torontois, est peut-être moins en vedette sur ce disque que sur leurs deux opus précédents, et on n'y retrouve pas de bombe comme Anhoi Polloi, (Oh) God, ou Where Cedar Nouns And Adverbs Walk, mais c'est leur disque le plus abouti et homogène (autant que ce terme puisse s'appliquer a eux), malgré qu'il peuvent se retourner sur un dix cennes et nous faire out of the blue une toune de jazz fusion brésilien assez convaincante. Si certains instruments semblent relativement garder le cap sur les plaisirs directs du pop (notamment les pianos, cuivres, basses et guitares), leur utilisation de la batterie et de la voix est vraiment inusitée. D'ailleurs, on a l'impression que la voix est pour eux l'instrument le moins important (ce qui pousserait la majorité des ingénieurs de son québécois a se mettre en position foetale par terre et à pleurer toutes les larmes de leur corps, foudroyés d'incompréhension). Un disque qui rappelle la forêt réunionnaise, où tout pousse n'importe comment, dans tous les sens, un fouillis végétal qui, finalement, apparaît plus ordonné et harmonieux que les jardins impériaux de Vienne.
cinéma (une sélection un rien coca-colaphile, je le reconnais) :


  1. Continental, un film sans fusil - Stéphane Lafleur // Le cinema québécois contemporain est un drôle d’oiseau. Avec ses films à moitié brillants, à moitié trop forcés et convenus (Denys Arcand), avec ses films formidables un peu gâchés par une fin pataude et trop explicite* (Que Dieu bénisse l’Amérique, C.R.A.Z.Y.), avec ses films "tellement bons" qu’ils sont presque aussi bons que les pires blockbusters américains/téléfilms de Tf1 (Bon Cop/Bad Cop, Ma fille, mon ange), et quelques rares films irréprochables, qui ne demandent pas vraiment d’indulgence patriotique pour être appréciés (Gaz Bar Blues, Congorama, Mémoires affectives, La vie sécrétée des gens heureux). Au moins, on commence à être capable, non seulement d'écrire (et même bien) en langue québécoise, mais aussi de jouer dans cette langue (ce qui semble avoir été coton, on nous servait tout le temps cette langue mi-figue/mi-raisin, que personne sur la planète ne parle, entre le français international radiocanadesque et le joual de nos mononques). Mais, très rarement, on croise un film où les responsables semblent avoir utilisé toute leur intelligence (sans se souiller dans le démago par crainte d'une faible performance au box-office) comme Continental (ça m'est assez peu arrivé depuis Le chat dans le sac et Où êtes-vous donc ?). Ce film nous dit, contrairement à ce que je pensais, qu'on est loin d'avoir fait le tour de la question de l'abyssale morbidité du Québec, qui s'épanouit particulièrement dans ces non-lieux sans goût, sans vie et d'une laideur infâme, qui ne sont ni nos campagne, ni nos petits centre urbains. Uuuruhhhhuuuhhhhhuhh !
  2. Black Snake Moan - Craig Brewer// Film machiste qui s'assume, d'une profonde humanité** (les deux sont plus compatibles qu'on voudrait bien nous le faire croire). La rédemption et le pardon sont des sujets BIG, et la ferveur du film accote cette BIGgitude (ce qui n'arrive presque jamais). Le blues, utilisé et célébré dans ce film, n'était pas, au départ, un argument favorable à mes yeux (j'aime le blues, mais seulement quand il est chanté par Nina Simone), mais j'en suis ressorti convaincu (ce qui n'est pas mince affaire). La fin, un moment de cinéma inoubliable, m'a particulièrement boulversé.
  3. The Darjeeling Limited - (avec son prélude : Hotel Chevalier) Wes Anderson // L'univers d'Anderson frappe dans le mille avec moi. Je me suis longtemps méfié de lui, je croyais qu'il ne voulait que faire du Bunuel cool, jeune, et dans "l'esprit indé" (je vais vomir), mais finalement, j'ai abdiqué. Il est capable et je fais partie de sa clientèle cible. Il a vraiment le tour avec le détail porteur, et le lyrisme des ralentis combinés avec les tounes du répertoire "british invasion". Il a vraiment, vraiment le tour.
  4. Cashback - Sean Ellis// Difficile de rejoindre mieux que ça mes intérêts personnels. Un film avec une belle attitude. Oui, je sais, c'est sorti en 2006, mais ça s'est rendu ici en 2007.
  5. Juno - Jason Reitman // Je suis tombé de ma chaise en lisant que le Vatican avait interprété ce film comme un pamphlet pro-vie. Pour moi, le statement de Juno, c'est juste un magnifique et tendre "FUCK OFF !" bien foutu.
Mention séciale à Grindhouse - Roberto Rodriguez & Quinten Tarantino // Le problème avec le travail de Tarantino, c'est qu'il génère tout le temps des hordes de copieurs de calibre très médiocre, excité par les plaisirs trépidatoires de la mince couche de surface de ses films. Traiter le "guilty pleasure" avec autant d'intelligence, c'est pas donné à tout le monde.

bande dessinée :
Olala, c'est de plus en plus difficile, je n'ai plus rien du libraire à l'affût que je fus jadis.


  1. Faire semblant, c'est mentir - Dominique Goblet (L'association) // Un livre poignant, qui a l'air d'être autobiographique, non pas par manque d'imagination ou par narcissisme (oui, on nous fait encore chier avec ces reproches en 2008 !), mais par pure hygiène de la transparence, du désir de justesse et du refus de la tricherie. Ça force l'admiration. Et c'est beau.
  2. Jérôme et Sultana - Nylso (FLBLB) // Il y a des livres qu'on ne peut que gâcher en essayant d'en parler (c'est très présomptueux, la critique). Celui-ci en fait partie. Lisez-le si vous voulez que votre vie soit moins vide.
  3. Île Bourbon 1730 - Appollo & Lewis Trondheim (Delcourt) // En faisant un livre aussi senti et amoureux, Trondheim m'a ici étonné comme il l'a fait en 1994 avec sa salve initiale. Quellles belles scènes de monologues, quelle pouvoir d'évocation, dans le texte comme dans le images, quelle belle sructure !
  4. Milk Teeth - Julie Morstad (D+Q) // C'est pas de la b.d. ? Pfff ! Pour ceux qui savent pas lire, peut-être...
  5. Gus, t.1 : Nathalie - Christophe Blain (Dargaud) // Je ne trouvais pas que les deux derniers volumes d'Isaac le pirate avaient été faits avec autant de verve que les trois premiers. Était-ce dû à ma lassitude ou celle de l'auteur ? En tout cas, tout est revenu, et à la puissance 10, dans Gus. Chouette audace dans la narration, le dessin déformé et les couleurs.
Mais faute d'être à jour dans mes lectures, je peux quand même saluer quelques miracles éditoriaux :


  1. Betsy & Me - Jack Cole (Fantagraphics) // Il est tentant d'essayer de trouver, dans cet ultime travail de l'énigmatique Jack Cole, un indice qui pourrait nous éclairer sur le mystère de son suicide. J'ai longtemps rêvé de lire ces strips de 1958. Encore une preuve que la bande dessinée "d'auteur", "personnelle", "intimiste", etc., ne date pas d'hier, et que le monde a toujours été expert dans l'art de l'ignorer.
  2. Valium Ab Bédex Compilato - Henriette Valium (L'association) // Enfin, viarge ! le tout Valium est accessible pour tout le monde (qui veut se donner la peine, parce que lire du Valium, c'est de la job !). Et les français ont eu l'heureuse lucidité de respecter le joual du texte, en plus (ce qui n'a pas été le cas pour Julie Doucet) ! Il y a de l'espoir...
  3. Love & Rockets Books (nlle. éd. en 7 vol. : 3 x Gilbert, 3 x Jaime, et un vol. des histoires courtes des deux) - Los Bros Hernandez (Fantagraphics) // Ces histoires fondamentales n'ont jamais été aussi agréables à lire ! Ces livres sont abordables, imprimés sur du beau papier accueillant et mat, ni encombrants, ni lourds, ni laids, et généreux quand même.
  4. Isabelle, Intégrale (3 vol.) - Will, Delporte, Franquin, Macherot (maudite belle gang) // Comme il est réjouissant de voir ce petit bijou de série traité avec au moins une partie du respect qu'on lui doit. Le Lombard (!!!!!) a toute ma reconnaissance ! (cette dernière phrase citée hors-contexte pourra vous permettre de me discréditer impitoyablement ou de me faire enfermer à l'asile, au besoin).
  5. Jérôme K. Jérôme Bloche, intégrale (3 vol.) - Dodier, Makyo, LeTendre // Une autre belle série européenne qui est avantagée par la pagination généreuse, le noir et blanc, et le format plus intime. Il fait bon redécouvrir sous ce jour nouveau les enquêtes de cet attachant détective amateur. Enfin, on a l'impression de se débarrasser du 48CC cher pour-e-rien, laid et infantilisant, et ce, même pour les séries pop. Il y a de l'espoir, dis-je... Quand j'étais jeune, je trouvais ça très marginal, Bloche, malgré une apparence classique/retro, ça ne rappellait pas grand chose d'autre dans le monde de la bande dessinée (surtout chez Dupuis), ça n'appartenait à aucun style, aucune école, aucune famille, et je trouve toujours que ça n'a pas vraiment d'équivalent.
télé :



  1. THE WIRE // De TRÈS, TRÈS, TRÈS, TRÈS, TRÈS, TRÈS, TRÈS, TRÈS, TRÈS, TRÈS, TRÈS, TRÈS, TRÈS, LOIN la série télé qui mérite le plus le temps qu'on lui accorde.
J

* : la fin d'un film n’a pas à mes yeux, l’importance qu’on lui donne en général, comme une base absolue sur laquelle on peut juger une oeuvre (chose soulignée par ce cher François Dunlop), mais c’est quand même un moment très délicat, et une fin où on baisse radicalement le niveau de langage pour s'assurer que tout... le... monde... a bien compris ce que ceux qui utilisent au moins 2,5% de leur cerveau ont suivi depuis le départ puisque c'était --jusque là-- bien raconté, ça peut être assez destroy sur l'impression qu'on a en sortant de la salle.

** : Vous me pardonnerez, je l'espère, ce syntagme figé, que je n'utilise pas à la légère.