Tuesday, August 08, 2006

PREFAB SPROUT : Swoon


Quand les premières notes de ce disque jouent dans mon atelier, je sais que je vais bien travailler, et que je vais être efficace. Je l'ai acheté en 1994, à New York (ça ajoute rien de préciser l'endroit où je l'ai acheté, mais c'est un beau souvenir). Mon ami Jean-Pierre me les avait fait découvrir quelques mois avant. Je n'ai pas été immédiatement séduit par l'univers musical de Paddy McAlloon, qui n'a rien de racoleur, mais après quelques écoutes, je suis tombé la tête la première et pour toujours dans cette talle de chansons, fasciné par les contructions méticuleuses, les arrangements déstabilisants, les mélodies luxuriantes, le lyrisme dans les juxtapositions inusitées et la production aventureuse (de Thomas Dolby)... Cette musique a pris une place immense dans ma vie, si bien que les citations au début du Moral des troupes et de Ma voisine en maillot sont tirées de chansons de Prefab Sprout. À certaines oreilles, ça sonne comme du pop guimauve de matante à saveur jazz fusion eighties complètement insignifiant, à d'autres, ça sonne comme du pop savant, sensible et ambitieux. J'ai jamais compris pourquoi, mais à ce jour, j'ai rencontré très peu d'autres fans des Sprout. Une chose me rassure, les rares initiés que je connais sont tous musiciens ou DJs. C'est bien, parce que ça donne l'impression que cette musique appartient aux vrais obsédés musicaux, ceux avec la gourmandise insatiable. Paru en 1984, Swoon est le premier album des Sprout. C'est le disque d'un groupe tout jeune, bourré d'idées et de stamina, mais qui n'a pas encore atteint la gracieuse maturité qui lui fera écrire les albums classiques qui suivront (Steeve McQueen, Protest Songs, Jordan: The Comeback). Cette maturation inachevée n'est cependant pas pour me déplaire, ça donne un disque de petits baveux. Esthétiquement, il est assez difficile. Avant, je l'écoutais quand j'avais pas vraiment envie d'écouter de la musique prenante, mais après quelques années, j'ai commencé à percer son mystèreé et à mieux comprendre sa chaleur. Il n'y a pas vraiment de pièce dont l'écoute est confortable à la première écoute. Les structures ont quelque chose de brouillé, les mélodies sont angulaires, les phrasés anti-musicaux. L'intro de I Could'nt Bear To Be Special est particulièrement cruelle pour les oreilles pantouflardes, avec ses Bôôô... Bô-Bîîîî... et la voix criarde du jeune Paddy (et il sont essayé d,en faire un single... misère...), mais l'amertume a le même effet dans cette musique que dans une excellente bière (détail amusant pour amateurs de bonne bière : ils viennent de Newcastle). Avec ma description, Swoon peut avoir l'air, à tort, d'une ride assez cérébrale, mais c'est pourtant une corne d'abondance de grooves sautillants qui m'ont inspiré pas mal de danses idiotes et d'air guitar dont je devrais avoir honte... Ce disque est parfaitement au centre du spectre de mes goûts musicaux, juste entre Sonic Youth et Burt Bacharach. Depuis la découverte de ce groupe, il y a 12 ans (merci encore, J.P.), je suis rarement tombé sur une trouvaille aussi rassasiante.

(j'ai cherché des vidéos sur YouTube, mais manifestement, Prefab Sprout gagnent plus à être entendus que vus... mettons qu'ils ne sont pas très bien servis par l'image... Îkh ! à la rigueur, le clip de Dublin se toffe, mais les autres... ailloille !)

9,75/10