Wednesday, July 26, 2006

THE GO! TEAM: Thunder, Lightning, Strike


Je sais pas si j'ai suffisamment entendu de disques parus en 2005 pour clamer "album de l'année" avec la moindre crédibilité, mais celui-ci (ex-aquo avec l'album éponyme de Broken Social Scene) est certainement le meilleur que j'ai eu la chance d'écouter (dix mille fois). J'aime penser que si j'avais continué à faire de la musique (j'ai arrêté en 1999), ce que je ferais aujourd'hui ressemblerait à ça. Plus réalistement, je pense que le les copierais gouluement. Difficile de dire où finissent les samples et où commencent les instruments joués. Toutes les pistes se bavent salement les unes sur les autres à travers les déferlentes de drums (il y a 2 drummers + les loops, ils sonnent comme s'ils étaient 60), les deux (?) chanteuses live ensevelies dans le mix et les samples de gamins des années 1970 qui ont l'air de repousser des invasions extraterrestres en faisant du break dance. J'veux dire... ça sonne crotté rare ! Le résultat a parfois le chien des premiers Jackson Five, parfois l'hystérie du thème de Hawaii 5-0, et la créativité de... non... j'sais pas qui.... mettons Beck pour rester dans les références pas trop obscures. Normalement, le genre de trucs hyper-référentiels comme ça (Moby, Fatboy Slim, par exemple), ça me tape sur les nerfs. J'suis tanné des références ironiques à la culture populaire du passé, ça me sort par le nez pis les oreilles, c'est vraiment plus drôle. Le postmodernisme fin de siècle aurait dû mourir le premier janvier 2000. Mais cette gang là sait être ludique en gardant son coeur à la bonne place. S'ils travaillent avec des échantillonnages, c'est pas juste tongue in cheek, ils le traitent avec respect, comme un trésor à sauver de l'oubli. Bien placée dans un set de DJ, je suis sûr que Huddle Formation (l'avant dernière pièce du disque) peut tirer des larmes. Si on arrivait à transformer en électricité l'énergie qui émane de ce disque, ça pourrait alimenter la planète jusqu'à la fin des temps. Y'en aurait plus, de problême...

C'est pas super ragoûtant, mais il y a le clip de Ladyflash : ici.

9,25/10

Monday, July 24, 2006

NEW X-MEN, de Grant Morrisson & ASTONISHING X-MEN, de Joss Whedon (Marvel)


Le pompiérisme est quelque chose qui m'irrite au plus haut point. Peut-être parce que je trouve l'être humain trop minable pour prétendre à une quelconque grandeur, peut-être parce que ce n'est tout simplement pas ma tasse de thé. Mais je sais pas pourquoi, dans le contexte de comics de super-héros, je suis capable d'en prendre.

J'ai lu des comics de super-héros de ma tendre enfance jusqu'au début des années '90. Je n'ai pas arrêté parce que je suis devenu mature et que je me suis désintéressé à ces calembredaines, mais parce qu'à ce moment, les comics mainstream se sont tous donnés le mot pour devenir assez merdiques. L'influence de Rob Liefeld, Jim Lee et Todd McFarlane est venu tout polluer, c'est devenu le royaume quasi-exclusif de la poudre aux yeux et du spectaculaire cheap. Les filles, qui prenaient dans toutes les cases des poses sleazy en zigzag, avaient l'air faites en aluminium. Les hommes avaient toujours des grimaces de rage figées dans face et une musculature grotesque. La violence a monté de plusieurs crans et la crédibilité des personnages (même dans la logique permissive des univers super-héroïstiques) s'est complètement fait flusher. Et je passerai sur les mises-en-pages inutilement criardes et illisibles. Il n'y avait plus vraiment de numéros sans action, sans un nouveau personnage couvert de fusils ou avec plein de dents, etc. D'un ennui mortel. L'industrie a payé le prix de son racolage, de sa pensée à court terme et de son irrespect pour l'intelligence des lecteurs, elle s'est carrément effondrée.

J'ai quand même continué à fréquenter les comics shops pour acheter exclusivement des projets de l'équipe de Bruce Timm (Batman adventures, etc.), qui a ramené un peu de fun et d'élégance dans le monde des super-héros pendant cette période. Autour de 2000, j'entendais souvent parler que la situation s'était radicalement améliorée chez Marvel et DC, que les éditeurs avaient de nouveau compris l'importance d'engager de bons scénaristes et de les traiter comme un peu mieux que du bétail. Mais on m'avait trahi, jadis, et je n'avais pas vraiment envie de replonger dans le gouffre financier que représente un intérêt pour les super-héros.

C'est Fabrice Neaud qui m'a remis le nez dedans. Lors de mon séjour en France en 2004, il m'a beaucoup parlé du travail de Grant Morrisson sur X-Men (New X-Men 142 à 154). J'étais sceptique, mais comme j'ai été très attaché à cette galerie de personnages par le passé, ça a quand même piqué ma curiosité. Il m'a donc prêté la pile de comics en traduction française. J'ai tout lu en un temps record. Scénaristiquement, c'est un sommet. Morrisson a une écriture très savante. Il maîtrise l'art de l'ellipse, et joue avec la "tourne" ("punch" placé au moment de tourner la page) avec une maestria qui décroche la mâchoire. Son histoire est flamboyante, mordante, et socialement hyper-lucide. Il n'ésite pas à foutre par terre des piliers icôniques de la série. Sa manière d'être iconoclaste demeure toutefois très respectueuse du matériel qu'on lui a confié (contrairement à plusieurs adaptations cinématographique, notamment le pitoyable Fantastic Four). Heureusement, la run de Morrisson a été reprise en sept trade paperbacks, assez faciles à trouver. Et je pense que même avec une connaissance très minimale de la X-mythoiogie, on peut apprécier pleinement son travail. E is for Evolution est une mise en situation comme une bonne claque dans la face, ensuite, de volume en volume, Morrisson mets délicatement en place tous les éléments qui convergeront dans l'explosion de Planet X, apogée de toutes les apogées (note : Marvel a par la suite bousillé cette histoire en ressuscitant du monde avec des histoires pénibles de substitutions de personnages, mais bon...). Here comes tomorrow est un épilogue un peu superflu, mais quand même intéressant. Pour plus d'un, la chronologie des X-Men est désormais séparée en pré-Morrisson et post-Morrisson.

New X-Men
1) E is for extinction 9/10
2) Imperial 8,5/10
3) New Worlds 7,75/10
4) Riot at Xavier's 8,25/10
5) Assault on weapon plus 7,75/10
6) Planet X 9/10
7) Here comes tommorrow 7/10

Évidemment, quand on fait l'expérience d'un travail aussi fort, on peut croire qu'on va retrouver un plaisir de lecture semblable avec d'autres histoires. Et on n'a pas tout-à-fait tort. L'ère Morrisson a substantiellement relevé la barre de qualité chez Marvel. Sur X-Men, le flambeau a été repris par mon idole : Joss Whedon (Firefly, Buffy & Angel, si vous avez des préjugés sur ces séries télé, vous avez tort), qui fait un boulot plus qu'admirable (Astonishing X-Men 1 à 18), en maintenant la tension et la narration elliptique qu'on retrouvait chez Morrisson, mais en ajoutant son sens de l'humour plus... disons chaleureux. Il a été tenu par l'éditeur de ramener les costumes en spandex que Morrisson avait judicieusement supprimé, mais il l'a fait avec intelligence, et on fait vite le deuil des costumes Matrix de la run précédente.

Astonishing X-Men
1) Gifted 8,75/10
2) Dangerous 7,75/10
3) Torn (à paraître) N/A

J'ai aussi essayé les Ultimates de Mark Millar et Brian Hitch (trois paperbacks à date), dernièrement. J'ai aimé ça, mais je ne me sentais pas autant à ma place dans ce monde de super-héros militaires, populaires, backés par le gouvernement américain. Je suis plus sensible à la marginalité relative des X-Men. De plus, je n'ai pas digéré une certaine blague sur la France, mais c'est néanmoins très, TRÈS habilement écrit et construit. Les personnages sont loin d'être botchés, et les situations peuvent être assez inusitées. Et Bryan Hitch, le dessinateur, a une technique de cadrage et de profondeur de champ qui me laisse pantois. C'est drôle, parce que Hitch a commencé comme une tentative de clône d'Alan Davis sans grand intérêt, mais il a connu une évolution fulgurante depuis. L'adaptation en dessin animé (Ultimate Avengers: The movie) est une abomination, qui enlève tout ce qu'il y a d'intéressant (dont le sous-texte politique) parce que ça s'adresse à un public plus jeune, tout en conservant un degré de violence assez intense. Donc, selon les gens derrière ce film, les enfants sont trop idiots pour apprécier une écriture riche, mais assez matures pour voir du monde se faire zigouiller à tout bout de champ ? Pas glop.

The Ultimates
1) Super-Human 7/10
2) Homeland security 6,75/10
The Ultimates 2
1) Gods & Monsters 7,25/10
2) (à paraître) N/A

Je n'ai pas une position sur les super-héros aussi acide que celle de Daniel Clowes ou de Chris Ware. Je comprends leur fascination/aversion, mais pour moi, ce n'est pas qu'affaire de fantasmes de petits graçons qui ne peuvent faire l'expérience de la virilité et du pouvoir que par procuration. Et même si c'était le cas, je ne vois pas là matière à ricanements. Et bien sûr, je suis conscient des effets dégueulasses de la survalorisation de l'héroïsme galvanisant, des sentiments supposément nobles, du self-righteousness de meeeeeerde, de la stupide dichotomie bons/méchants (de l'existence même de "méchants", parce que tout le monde a ses raisons), du courage, du dépassement de soi, de la banalisation de la violence, et de tout l'endoctrinement militariste de droite qui peut se cacher sous ces douillettes couvertures, mais plusieurs auteurs actuels semblent aussi conscients de ces problêmes, et ils jouent avec, les interrogent. Comme j'ai connu assez tôt ces histoires de surhommes illusoires en collants colorés qui sauvent le monde, je ne les trouve pas automatiquement ridicules. Je suis assez bon public pour ces soap operas oniriques. Comme c'est le cas pour Buffy et Angel, les scènes de combats m'indiffèrent un peu, en fait, elles m'intéressent beaucoup sur le plan abstrait, chorégraphique, formel, symbolique, mais le surge d'adrénaline que procure la bastonnade n'est pas ce que je recherche en priorité, alors que pour certains, ça semble être l'intérêt principal, étrangement. Pour moi, les monstres et les conflits sont surtout là pour soutenir le souffle opératique de ces séries sans fin (procédé narratif cher à mon autre idole : Jean-Claude Forest, malgré son exploitation mercantile perverse). L'intrigue, pour moi, n'est rien de plus que la carotte qui fait avancer l'âne sur le chemin. Le vrai intérêt (le chemin lui-même) se situe plutôt du côté de la FORME, des ambiances, de la profondeur des lieux représentés, des personnages et des relations entre ceux-çi. Je sais pas, pour moi, imaginer quelqu'un voler, ou qui a eu tellement mal dans la vie qu'il ne peut recouvrer sa dignité qu'en endossant un costume grotesque et en se baladant la nuit sur les toits d'une mégalopole décadente, je trouve ça poétique, et pas si quétaine. Et je suis suffisamment fasciné par la représentation du corps humain pour apprécier le spandex, et en plus, c'est chouette à dessiner. J'imagine assez bien Cocteau raconter une histoire de super-héros. Sans parodie, bien sûr.

J

Tuesday, July 18, 2006

TOM TOM CLUB: Tom Tom Club


Il y a vraiment TRÈS longtemps, j'ai vu le video clip de "The genius of love", du Tom Tom Club. J'avais beaucoup aimé cette pièce minimale à l'humour tongue in cheek, décalé, avec ses hooks impitoyables et sa structure inusitée. La chanson m'est restée en tête pendant plus de 20 ans avant que je ne la ré-entende. Je me doutais vaguement qu'il s'agissait du Tom Tom Club vu que la pochette et le clip sont clairement liés, visuellement, mais je n'avais jamais pu acheter le disque pour vérifier (c'était bien avant internet--oui, je suis un pépère...). L'an dernier, j'ai découvert les Talking heads. Je n'arrive pas à croire que j'ai attendu 30 ans pour plonger dans l'oeuvre de ce groupe qui a pas mal tout pour me plaire. Je connaissais les hits comme tout le monde ("Once in a lifetime" aura probablement toujours une place dans mon coeur), mais j'avais un peu le vertige quand je regardais leur abondante discographie. Le plus beau trésor que j'ai trouvé au fil de ces fouilles est l'album éponyme de Tom Tom Club (1982), un side-project du batteur et de la bassiste, membres fondateurs (avec David Byrne) de Talking Heads. J'ai eu le grand plaisir d'y retrouver cette pièce qui m'a joyeusement hanté pendant des années. C'est vraiment le disque à mettre quand j'ai besoin de retrouver un certain dynamisme (avec la chaleur qui nous écrase ces temps-çi, c'est fréquent). Ça inonde à coup sûr mon atelier de soleil et de fraîcheur. Un disque dont chaque pièce est un classique, un de ceux dont les légions de Beck wannabes de ce monde rêveront encore de faire dans 20 ans. Le Tom Tom Club est essentiellement un projet de section rythmique, il l'assume et c'est dans le groove qu'il prend tout son sens (avec tout un panache). Aujourd'hui, j'ai retrouvé le clip de "The genius of love" sur "You tube". Cooool ! Le clip, toujours superbe, n'a pris que quelques très gracieuses rides : Cliquez ici pour le clip .

http://www.tomtomclub.net/

9,25/10

Wednesday, July 12, 2006

LE RAYON MYSTÉRIEUX, d'Alain St-Ogan (CNBDI)



Ça faisait longtemps que je l'avais, mais je ne l'avais pas encore lu. J'ai été étonné par la modernité relative de cette histoire de science-fiction de 1937-1939. L'humour narquois et les ambiances aussi sombres et enveloppantes sont des choses rares dans ce type de bande dessinée, habituellement plutôt goody-two-shoes. Le petit format (à la Ciboulette, mais 50 ans avant) et la bichromie fonctionnent vraiment bien, à se demander pourquoi ce n'est pas devenu un format traditionnel, tellement son efficactité est évidente. Vraiment surprenant. Et le dessin est somptueux, on n'est pas loin de Gus Bofa.

6,5/10

VLADIMIR SUR LES TOITS, de Gwen de Bonneval et Nicolas Hubesch (Milan)


J'adore la collection "Capsule cosmique", chez Milan. Ce récent ajoût est très réussi. Ça raconte les promenades d'un petit garçon sur les toits de sa ville et les rencontres absurdes qu'il y fait. Avec une prémisse aussi poétique, difficile de rater son coup. À offrir à un enfant qui a déjà tous les Ariol (à acheter en priorité, quand même).

6/10

LA MUSE RÉCURSIVE (tome 1), de David Turgeon (Fichtre !)



Pour moi, c'est un grand coup de pied dans le cul ! Il met la barre très haut pour ce qu'on pourra faire par la suite comme bande dessinée, au Québec. Non, je ne parle pas à travers mon chapeau. Au niveau de l'écriture, ce livre a une portée très importante. David ouvre pas mal de portes, et ceux parmi nous (les auteurs au Québec) qui restent sur le seuil à se décrotter le nez en attendant de devenir millionnaires vont trouver le temps long. Après ce livre, on ne peut plus être indulgents envers ce qu'on fait comme on l'a été jusqu'ici. Enfin, y'a certainement du monde qui va pas être d'accord avec moi, et tant pis pour vous, moi ça me réjouit toujours de me sentir obligé de m'améliorer parce qu'un copain a fait un livre meilleur que les miens (un besoin à l'origine du projet mécanique générale). Pour parler du livre en soi, disons que David a une manière bien à lui de raconter. La muse récursive est une histoire dans laquelle on ne s'installe pas, on y dégringole. Les personages ont toujours l'air plus ou moins conscients de leur nature factice. Ça se lit sur plusieurs degrés, sans que ça fasse fendant (comme c'est trop le cas dans mes livres). Le dessin, lui, est une bonne leçon de sain culot (c'est même assez baveux, par bouttes). Difficile de cerner ses influences. Un regard superficiel fera des rapprochements avec Sfar, mais il se ravisera très rapidement. Côté écriture, c'est assez "out there" aussi, nonchalent et complexe. Le seul problème que j'ai rencontré à la lecture, c'est qu'à un certain point, j'étais vraiment perdu dans la constellation de personnages, ce qui a probablement plus à voir avec mon "attention span" déficient d'écouteux de tévé qu'avec une maladresse de l'auteur. Autre petit défaut pour le lecteur que je suis, j'aurais largement préféré avoir les 300 pages d'un coup, plutôt qu'en trois tranches. Mais bon...

8/10

OVER THE HEDGE, de Dreamworks, genre



J'ai déjà complètement oublié le film, mais il y a quelques nouvelles chansons de Ben Folds dedans, ce qui était toute une surprise pour nous ! Il fait même une reprise des Clash, yessir ! Ça vaut largement le prix du tickette.

4,5/10

THE SQUID & THE WHALE, de Noah Baumbach



Un film d'horreur absolument ébouriffant. Ceux qui ont connu des situations similaires (parents qui divorcent, qui font de leur mieux mais qui restent humains, trop humains) comprendront. Un film d'une rare justesse, solide, magnifique, très riche, et très précieux.

8,5/10

METAL: A HEADBANGER'S JOURNEY, de Sam Dunn


L'esthétique médiévale/celtique/dongeon & dragons/mottés/cheveux longs/épées/guitares pointues/exhibition de virtuosité me plait à peu près autant qu'une infection des gencives ou un cor au pied. Et bon, je connais ma virilité, je ne ressens pas le besoin de me la re-prouver à chaque minute du jour (et quand je veux de la musique qui brasse, j'ai plus un bagage punk), mais ce documentaire est absolument fascinant. Pas de là à me faire écouter du metal (quoique j'ai du Tool, du Darkness et du Ministry à maison), mais certainement à me faire respecter un peu plus cette étrange culture, et imaginer ce que le metal peut atteindre et/ou générer, musicalement. Et les liens qui unissent la communauté des fans, me rappelle beaucoup ceux que j'ai connu dans la période rave du tout début des années '90. Fort heureusement, l'anthropologue qui est derrière ce projet est un authentique metalead et non quelqu'un qui regarde ça avec distance, ou avec un oeil scientifique ou condescendant. Ça aurait été plate à mort.
( http://www.metalhistory.com/ )

6,5/10

THE FORECAST : In the Shadow of Two Gunmen



J'ai acheté ce disque impulsivement, quelques heures après avoir lu une critique particulièrement emballée, et sur le coup, je l'ai un peu regretté. À la première écoute, j'ai trouvé ça très, TRÈS bon dans le genre, mais le genre en question, ça ressemble douloureusement au pseudo-punk-lobotomisé-fm-propret-de-rebellion-de-débés-gâtés-de-banlieue à la Green Day que les enfants de 4 ans écoutent de nos jours. Ma copine a dit : "on dirait la musique qui joue avant les films au cinéma". On est pas loin d'Avril Lavigne, stylistiquement. Mais une fois le petit malaise narcissique passé, je me suis laissé découvrir cet heureux amalgame de pop, de country et de punk, assez différent de la sauce créée par Uncle Tupelo avec des éléments similaires il y a 15 ans. De la musique très simple, directe et honnête (l'honnêteté est particulièrement prenante quand c'est la fille qui chante), et franchement, après quelques écoutes, ça devient irrésistible. Ce qu'ils font avec les harmonies de voix devient parfois assez vertigineux (toujours dans une échelle très humble), je les entends, dans le studio, dire : "Combien ça en prend, des tracks de vocal pour faire dresser droits comme des i les poils de nuque de l'auditeur ? Au yâbe les dépenses !" Des fois, j'ai envie d'écouter ce disque à un point tel que ça relève presque de l'état de manque. C'est assez rare, des disque qui me font ça.

8/10

ROCKY VOTOLATO : Makers


Chaque été a besoin de son chanteur tristounet (mais pas pleurnichard) accompagné de sa seule guitare (ça peut aussi être une chanteuse). Cette anée, c'est Rocky qui s'y colle. Parfait pour écouter en traînant sur la balcon, les longues soirées d'été après un bon steak sur le barbecue. Voyez ici le très chouette clip de White Daisy Passing, qui me fait beaucoup penser à ce que j'essaie de faire en bande dessinée.
( http://www.rockyvotolato.com/ )
Un autre essentiel dans cette catégorie, c'est le classique The creek and the cradle, de Iron & Wine
( http://www.ironandwine.com/ ).

8/10

PHOENIX : It's Never Been Like That


Phoenix était pour moi un groupe "dance" (attention, "dance" français à la Zoot Woman, Air, Les Rythmes Digitales) qui a des tendances Rock'n'roll, à cause de leur premier album, qui contient les perles "If I ever feel better" et "Too young" (pour ceux pour qui la musique n'existe pas tant qu'elle n'a pas été dans un film, on entend "Too young" dans Lost in translation). Mais cette fois, ils ont fait un vrai disque de rock de char avec de discrètes touches "dance". C'est bien, parce que le vrai rock de char, ça m'énarve, mais là, c'est juste assez subtil, détaché et naïf pour être agréable à écouter. C'est du petit ersatz de rock'n'roll assez charmant, un peu fashion victim, mais qui s'écoute très bien. Un vrai bon disque d'été qui met d'bonne humeur.
( http://www.wearephoenix.com/ )

6/10

BRUNO BRAZIL, de William Vance et Louis Albert (Lombard)





J'éprouve beaucoup d'affection pour cette série de Vance et Louis Albert (mieux connu sous le nom de Greg, mais tant qu'à avoir un pseudonyme, je préfère Louis Albert). Certes, il y a un peu de Madeleine de Proust là-dessous, mais au-delà des creuses considérations nostalgiques, je la trouve assez spéciale.

Elle reflète particulièrement bien l'évolution de l'état d'esprit du monde occidental des années '60 (plus naïves) à la fin des années '70 (plus pessimistes). On commence la série avec un Bruno James Bond/Sherlock Holmes, agent secret solitaire, gentleman désinvolte. L'ambiance de la série est alors ludique et joyeuse. Gadgets, bagnoles, vêtements loufoques (ceux-çi resteront jusqu'à la fin, mais est-ce volontaire ?)... Greg ajoute bientôt à la série, sous l'influence assez claire de Mission: Impossible, une galerie de personnage secondaire qui constitieront le "Commando Caïman". Une emphase plus tragique commence à s'infiltrer dans la série. Les épisodes deviennent plus sombres, plus intenses. La mise en scène se fait plus criarde. Vers la fin de la série, on devine l'influence des films catastrophes américains comme The poseidon adventure ou The towering inferno, qui sont eux même des conséquences de la conscientisation écologique, du fiasco de la guerre du Vietnam, etc. Au tome 9, l'épisode "hard boiled", paroxystique et cathartique Quitte ou double pour Alak 6, la mission échoue, les agents secrets sont démasqués publiquement, humiliés, et zou ! On envoie la majeure partie de l'équipe se faire massacrer à la fin de l'épisode. Le tandem pondra ensuite quelques histoires courtes avec le noyau survivant (Brazil et Gaucho Morales), en plus d'une aventure inachevée, tentative un rien forcée de consituer un nouveau "Commando Caïman", mais leur intérêt pour cette série semble alors éventé.

Greg écrit très bien. La qualité n'est pas selon moi dans CE qu'il écrit, mais bien dans sa manière de l'écrire. Au niveau des ambiances de fin du monde, Greg est un maître, comme il l'a démontré avec panache dans ses séries avec Hermann : "Comanche" et "Bernard Prince". Mais ce qui m'intéresse le plus chez lui, c'est le mordant-gourmand de la musicalité de son écriture, dont font foi ses titres qui claquent. Une série qui comprend des titres comme Sarabande à Sacramento, Quitte ou double pour Alak 6, Le requin qui mourut deux fois, La nuit des chacals ou Commando Caïman ne peut pas être mauvaise. Les épisodes devaient être conçus dans un contexte assez frénétique. Greg, alors rédacteur en chef du journal "Tintin", écrivait un beau paquet de séries en même temps. Ce climat doit largement contribuer à l'impression d'être assis sur un rond de poêle rouge que ressent le lecteur lorsqu'il lit une série d'aventure de Greg.

Les maniérismes du Vance de l'époque sont assez charmants. On sent vraiment le petit garçon européen qui jouait au cow-boy, et qui continue à être maladivement marqué par l'imaginaire américain avec ses durs à cuire caractéristique (si bien que le dessin de Vance n'a jamais été très souple, et qu'il a gagné en raideur au fil des années). Habituellement, cet éblouissement américain est quelque chose qui m'énerve, mais là, c'est fait avec une telle candeur que c'en est boulersant. Vance aimerait être un de ces durs de durs, et ses pages semblent nous dire : "Certes, je suis dessinateur de bande dessinée, mais je ne voudrais pas avoir l'air moumoune pour autant !" (discours qui est exactement le même que celui des auteurs underground des années '90, non ?). Son travail sur la fusion de l'architecture, de la typo, de la mise en scène et de la mise en page est loin d'être inintéressant.

C'est assez comique de voir les auteurs sauter à deux pieds joints dans une manière plus artificielle de coller à leur époque : la mode. Au fil de la série, il est fascinant de suivre l'évolution du design. L'inclusion au commando d'un hippie avec une guitare-mitraillette dans Orage aux aléoutiennes et la séquence disco dans Quitte ou double pour Alak 6 sont des efforts particulièrement extrêmes. Encore là, la prédominance du design tendance est quelque chose que je trouve insupportable chez les auteurs actuels. C'est pour moi une méthode de séduction abusive qui relève de la tricherie. Un titre d'article de Truffaut m'a fait rire aux larmes, parce que je le trouvais plus juste que tout : "La mode : enthousiasme des imbéciles". Mais force m'est de constater que passée la période critique de 20 ans (pendant laquelle ces pages auront l'air bien folles) ces pollutions fashion prennent tout leur sens, historique autant qu'esthétique.

D'épisode en épisode, on sent que Greg a du mal à bien incarner tous les personnages de l'équipe. Ça lui aurait pris, je crois, quelques épisodes de plus, ou des épisodes plus longs, contenant des scènes moins centrées sur l'action, ce qui était impossible, je le reconnais, vu la prépublication hebdomadaire dans "Tintin". Ce n'est peut-être pas un hasard si les personnages qui meurent à la fin sont ceux qui étaient là au départ pour les raisons les plus superficielles --le cow-boy, le grand gamin, le p'tit frère, la pitoune... étrangement, le hippie survit (!)--, et qui n'ont jamais réussi à dépasser leur fonction première.

Somme toute, "Bruno Brazil" est pour moi une série bourrée de sens, qui dépasse de loin le plaisir coupable de la lecture de bande dessinée de genre, retro/kitsch de surcroît. Son arc dramatique global en dit très long sur les moeurs de l'époque. Mais attention, je ne propose pas une lecture parodique de cette série, je déteste le second degré méprisant et ce n'est pas ce qui motive mon appréciation et mon envie de la partager.

6/10